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SOUS LE SOLEIL DE SATAN

— On va vous prendre pour un fou, mon garçon, dit-il.

Mais il avait devant lui (il n’en doutait pas) un de ces hommes dont l’expérience est tout intérieure, comme formés par le dedans et dont l’équilibre n’est pas aisément rompu. À peine une légère contraction des traits accusa-t-elle plus de surprise que de crainte. Il répliqua posément :

— Je vous devais cet aveu. Dieu m’est témoin que je désire l’oubli de tout ceci, et le silence.

— Comptez sur moi, continua le doyen de Campagne, pour cacher tout ce qui peut être célé sans mensonge. Car enfin je suis votre supérieur direct, mon ami, mais j’ai mes supérieurs, moi aussi !

Après un temps :

— Je vais écrire… non ! j’irai plutôt, j’irai voir le chanoine Couvremont, l’ancien directeur du grand séminaire. C’est un confrère très sûr, très ferme. Il avisera. D’ailleurs, je ne doute point que nous ne tombions vite d’accord, lui et moi. Je prévois aisément sa décision…

Peut-être attendait-il une question, mais il n’eut pas même un regard.