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SOUS LE SOLEIL DE SATAN

mais par une grâce particulière, merveilleuse, dont je dois le témoignage à vous, quoi qu’il m’en puisse coûter…

— Que vous tenez pour un miracle ? demanda l’abbé Menou-Segrais de son ton le plus ordinaire.

— Je le crois ainsi, dit-il.

— Vous en rendrez compte à votre évêque, répondit simplement le doyen de Campagne.

Il n’y avait, d’ailleurs, aucune surprise dans le regard dont il enveloppa — littéralement — l’étrange silhouette de son vicaire ; aucune surprise, mais une attention tranquille, indifférente à la personne, à peine curieuse des faits, avec une nuance de pitié hautaine. Le vicaire rougit jusqu’au front.

— Qu’avez-vous donc rencontré, en plein champ, en pleine nuit ?

— Un homme d’abord, dont j’ignore le nom.

— Oh ! fit seulement M. Menou-Segrais.

— Comprenez-moi, répéta l’abbé Donissan, avec un frémissement douloureux des lèvres. Il m’a abordé le premier… Je ne pensais à rien de pareil… Je ne voyais même pas son visage… Je ne connaissais pas sa voix ! Nous avons fait route ensemble un moment. Nous parlions de