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SOUS LE SOLEIL DE SATAN

alors lui travaillait si puissamment le cœur.) Puis quoi ? Des reproches, des exhortations à quitter la voie mauvaise… (elle ne se souvient nettement d’aucune) et enfin… (là, sa mémoire tourne court) certaine révélation singulière qui l’a troublée au point que, l’angoisse seule survivant à sa cause, elle ne saurait dire pourquoi elle se blottit dans l’angle du mur, le visage sur ses genoux, toute hérissée de frissons, claquant des dents. Là ! Là est le secret. C’est alors seulement qu’elle a fui. Ce vide affreux s’est alors creusé en elle. Est-il possible ? Est-il possible pourtant qu’elle ait fui d’une telle fuite désespérée de vagues récits empruntés sans doute à la chronique du bourg, sur elle et les siens ? C’est vrai qu’elle les a crus, et elle en sait encore assez pour être sûre qu’à un certain moment elle ne pouvait pas ne pas les croire. Nul doute que la même présence et la même parole la convaincraient à nouveau. Et puis après ? A-t-elle jamais redouté la haine des sots ? Mais qu’a-t-il pu donc rapporter de neuf, ce prêtre ? La terreur qui l’a comme tirée hors d’elle-même pour la jeter ici tremblante ne vient pas de lui. Elle n’est dupe que d’un rêve… et ce rêve qu’elle emporte engourdi peut ressusciter tout à