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SOUS LE SOLEIL DE SATAN

vif, trop précis pour qu’il doutât. Les paroles échangées sonnaient encore à ses oreilles. Mais les ténèbres étaient retombées. Pourquoi n’obéit-il pas alors au mouvement intérieur qui lui commandait de se dérober sans retard ? Devant lui, ce n’était qu’une pauvre créature reformant en hâte la trame un instant déchirée de ses mensonges… Mais n’avait-il pas été une minute — une éternité ! — par un effort presque divin, affranchi de sa propre nature ? Fut-ce le désespoir de cette puissance perdue ? Ou la rage de la reconquérir ? Ou la colère de retrouver rebelle la misérable enfant tout à l’heure à sa merci ? Il eut un geste des épaules, d’une énorme brutalité.

— Je t’ai vue ! (À ce tu, elle frémit de rage.) Je t’ai vue comme peut-être aucune créature telle que toi ne fut vue ici-bas ! Je t’ai vue de telle manière que tu ne peux m’échapper, avec toute ta ruse. Penses-tu que ton péché me fasse horreur ? À peine as-tu plus offensé Dieu que les bêtes. Tu n’as porté que de faux crimes, comme tu n’as porté qu’un fœtus. Cherche ! Remue ton limon : le vice dont tu te fais honneur y a pourri depuis longtemps, à chaque heure du jour ton cœur se crevait de dégoût.