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SOUS LE SOLEIL DE SATAN

dans ce lieu solitaire. Pauvres gens, dont la candeur s’embarrasse de tant d’inutiles discours ! Brave saint campagnard qui croit consommer chaque matin la Vie éternelle, et dont les sens ne connaissent pourtant qu’une illusion assez grossière, comparable à peine au rêve lucide, à l’illusion volontaire du merveilleux écrivain. « Que ne suis-je venu plus tôt, se dit-il, respirer l’air d’une église rustique !… Nos grand’mères 1830 savaient des secrets que nous avons perdus ! » Il regrette la visite au presbytère, qui pensa l’égarer, le sot pèlerinage à la chambre du saint (ce pan de mur, dont la vue fit chanceler un moment sa raison), spectacle en somme un peu barbare, et fait pour un public moins délicat… « La sainteté, s’avoue-t-il, comme toutes choses en ce monde, n’est belle à voir qu’en scène ; l’envers du décor est puant et laid. » Sa cervelle en rumeur bourdonne de mille pensées nouvelles, hardies ; une jeune espérance, confuse encore, émeut jusqu’à ses muscles ; il ne s’est pas senti, depuis bien des jours, si souple, si vigoureux.

— Il y a une joie dans le vieillir, s’écrie-t-il, presque à voix haute, qui m’est révélée aujourd’hui. L’amour même — oui, l’amour même !