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SOUS LE SOLEIL DE SATAN

au-dessus, avec un grincement léger. Par intervalles une porte bat. Et, lorsque tout va faire silence, peut-être, ce sont les vitraux poussiéreux qui grelottent dans leur résille de plomb, au trot d’un cheval, sur la route.

— À cette heure, se dit-il, le docteur chavranchais et son insupportable compagnon trottent je ne sais où, s’écartent juste assez pour me permettre de jouir en paix d’une heure parfaite !… (Car il croit volontiers à ces politesses du hasard, à des accords mystérieux.) Cette église, ce silence, les jeux de l’ombre… Voyons ! tout est à lui… tout l’attendait. Au moins, qu’ils ne reviennent pas trop tôt, souhaite-t-il.

Ils ne reviendront pas trop tôt.

(Les mourants connaissent bien leurs désirs, mais ils se taisent sur toutes choses, disait Mécislas Golberg, ce vieux juif.)


L’angoisse de l’éminent maître s’est dissipée peu à peu dans le grand silence intérieur qu’il a si rarement connu. Mille souvenirs s’y allument, pareils aux petites lumières d’une ville nocturne. Sa mémoire les repasse et jouit de leur confusion, de leur désordre enivrant. À travers les limites tracées par nos calendriers,