Page:Bernanos - Sous le soleil de Satan, tome 2, 1926.djvu/22

Cette page a été validée par deux contributeurs.
30
SOUS LE SOLEIL DE SATAN

— Un enfant, fit-elle, un enfant ! Des enfants de chœur comme moi, vous n’en rencontrerez pas beaucoup dans vos sacristies : ils n’useront pas votre eau bénite. Les chemins où j’ai passé, souhaitez ne les connaître jamais.

Elle prononça ces derniers mots avec une emphase un peu comique. Il répondit tranquillement :

— Qu’avez-vous donc trouvé dans le péché qui valût tant de peine et de tracas ? Si la recherche et la possession du mal comporte quelque horrible joie, soyez bien sûre qu’un autre l’exprima pour lui seul, et la but jusqu’à la lie.

L’abbé Donissan fit encore un pas vers elle. Rien dans son attitude n’exprimait une émotion excessive, ni le désir d’étonner. Et pourtant les paroles qu’il prononça clouèrent Mouchette sur place, et retentirent dans son cœur.

— Laissez cette pensée, dit-il. Vous n’êtes point devant Dieu coupable de ce meurtre. Pas plus qu’en ce moment-ci votre volonté n’était libre. Vous êtes comme un jouet, vous êtes comme la petite balle d’un enfant, entre les mains de Satan.