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SOUS LE SOLEIL DE SATAN

à me mettre à genoux, j’irais encore tout droit à ma vieille paroisse de Saint-Sulpice, on ne me verrait pas faire des grimaces aux pieds de Pallas-Athénée, comme un professeur ivre ! Mes livres ! Je me moque bien de mes livres ! Un dilettante, moi ! Un bec fin ? J’ai pris de la vie tout ce que j’ai pu prendre, entendez-vous, à grandes lampées, la gorge pleine ! Je l’ai bue à la régalade : advienne que pourra ! Il faut en prendre son parti, l’abbé. Qui jouit craint la mort. Autant s’essayer à la regarder en face que se distraire aux bouquins des philosophes, ainsi qu’un patient chez le dentiste feuillette les journaux illustrés. Un sage couronné de roses, moi ! Un bonhomme antique ! Ah !… il y a tel moment où l’adoration des niais vous fait envier le pilori ! Le public ne nous lâche plus, veut toujours la même grimace, n’applaudit qu’elle, et demain nous traitera de menteurs et de baladins. Hé ! Hé ! si les bigots savaient peindre ! Au fond, nous sommes dupes, l’abbé, repics et capots ! Un gâcheur de plâtre, qui ne songe qu’à se remplir les tripes, montre plus de malice que moi ; jusqu’à la dernière minute, il peut espérer boire et manger son saoul. Mais nous !… On sort du collège avec des illusions de poète. On