Page:Bernanos - Sous le soleil de Satan, tome 2, 1926.djvu/172

Cette page a été validée par deux contributeurs.
180
SOUS LE SOLEIL DE SATAN

le regard aux briques du sol, pétrissant son chapeau dans ses mains, encore incapable de fixer à rien sa mémoire en déroute, écoutant seulement le choc régulier du sang aux artères de son cou, avec une attention stupide.

Certes, il ne reste rien du grand vieillard en pleine révolte, en plein défi ! Pas une seconde, jusqu’à la fin, il ne trouvera la force nécessaire pour rassembler ses souvenirs, ou les démêler. L’idée seule d’un discernement si douloureux lui est odieuse, insupportable. Ah ! qu’il entretienne plutôt en lui ce demi-sommeil ! L’effort a été trop rude et il est tombé de trop haut ; les tentations ordinaires ne sont que des rêves d’enfant, une rumination monotone, un ressassement, pareil au bavardage insidieux d’un juge. Mais lui, c’est le bourreau qui l’a questionné.

Il garde, par geste inconscient, la main pressée sur sa poitrine, à la place même où la douleur endormie a sa racine. Plus que la terreur, cependant, d’une agonie nouvelle, la crainte l’oppresse d’abord du jugement de ses confrères, de leurs discours, des réprimandes et des sanctions de l’archevêque. Les larmes lui montent aux yeux. Il traîne sa chaise auprès d’une petite