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SOUS LE SOLEIL DE SATAN

homme tel que vous, un ministre de paix, ait laissé derrière lui sans remords une femme, une mère, que votre odieuse mise en scène a failli tuer[1] et qui est, à la minute où je parle, en plein accès de démence ?

Mais comme le vieux prêtre le considérait avec une stupeur évidemment sincère, il baissa le ton pour continuer, avec l’empressement des sots à se vider d’un mauvais et tragique récit :

— Ainsi, vous ignorez donc ! Vous ne savez pas que la malheureuse s’était glissée dans la chambre, derrière vous ? Que s’est-il passé ? Vous devez le savoir mieux que moi… Nous avons entendu un cri, un éclat de rire… Puis vous avez traversé la pièce comme un égaré… Elle voulait vous suivre ; nous la retenions à grand’peine ; c’était un spectacle affreux… Hélas ! pourquoi m’étonnerais-je qu’une faible femme dans le malheur ait subi l’entraînement

  1. On sait que Mme Havret fut guérie quelques mois après au cours d’un pèlerinage à l’église de Lumbres.
      Parmi tant de conversions extraordinaires, dont on ne sait déjà plus le nombre, il est curieux de constater que cette guérison miraculeuse est la seule qui puisse être attribuée, jusqu’à ce jour, à l’intercession de l’abbé Donissan.