Page:Bernanos - Sous le soleil de Satan, tome 2, 1926.djvu/150

Cette page a été validée par deux contributeurs.
158
SOUS LE SOLEIL DE SATAN

liers dans sa poitrine où la puissante volonté, jamais tout à fait assujettie, se roidit déjà, brise son frein. Il pousse Sabiroux contre le mur, il lui crie dans l’oreille, et d’un inoubliable accent :

— Nous sommes vaincus, vous dis-je. Vaincus ! Vaincus !

Une minute, une longue minute, il écoute son propre blasphème, comme la dernière pelletée de terre sur une tombe. Celui qui renia trois fois son maître, un seul regard a pu l’absoudre, mais quelle espérance a celui-là qui s’est renié lui-même ?

— Mon ami ! Mon ami ! s’écrie le curé de Luzarnes.

Mais le saint de Lumbres lui repousse doucement les mains :

— Laissez-moi, dit-il, laissez-moi… ne m’écoutez plus.

— Vous laisser ! reprend l’autre d’une voix éclatante, vous laisser ! Je n’ai jamais rien vu qui vous ressemblât. Pardonnez-moi plutôt d’avoir douté de vous. Je suis prêt à vous servir de témoin dans l’épreuve que vous avez méditée… Rien n’est impossible ni incroyable d’un homme tel que vous… Allez ! Allez ! Je