Page:Bernanos - Sous le soleil de Satan, tome 2, 1926.djvu/128

Cette page a été validée par deux contributeurs.
136
SOUS LE SOLEIL DE SATAN

de Dieu, son dernier ami. Ah ! certes, il n’espère plus retourner en arrière, retrouver la paix, revivre. Il est déjà trop loin sur la route maudite. Il ira, il ira, jusqu’à bout de souffle, avec ce seul compagnon.

— Hélas ! s’écrie-t-il, tel j’étais au grand séminaire, tel je suis resté, une tête dure, un cœur sec, sans aucun élan, pour tout dire : un homme vil dont la Providence s’est servie. Le bruit fait autour de moi, l’obstination à me poursuivre, l’amitié de tant de pécheurs, autant de signes et d’épreuves dont je n’entendais ni le sens, ni le but. Un saint mûrit dans le silence, et le silence m’était refusé. Tout à l’heure encore, j’aurais dû me taire… Je n’aurais pas à présent à vous faire un aveu… (Oui… mon cœur saignait de quitter en un pareil moment cette pauvre femme à genoux — si durement — oui, durement frappée…) Ce n’était pas sans raison… pas sans raison… Car… Mon ami, alors que j’étais déjà sur le seuil de la porte… une pensée… une telle pensée m’est venue…

— Laquelle ? demanda M. le curé de Luzarnes.

D’un geste involontaire, il s’est penché vers lui, jusqu’à sa bouche d’où ne sort maintenant