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SOUS LE SOLEIL DE SATAN

Le Maître du Plouy s’est levé, a toussé un bon coup, et craché dans les cendres. Devant lui, la tasse à café, vide, fume encore.

— Lequel ? demande étourdiment le vieux prêtre.

…Et il s’arrête aussitôt, rougit sous le regard de Marthe, et balbutie… Chacun sait, mon Dieu ! que le Maître du Plouy n’a qu’un garçon ! Mais le voyageur ne s’étonne pas, et rectifie paisiblement :

— C’est Tiennot, not’gars. Ça l’a pris, retour des Vêpres, comme on dirait une indigestion. Et puis des maux de tête à crier grâce. Alors, au petit matin, voilà qu’il dit à sa mère : « Mé, je peux plus remuer. » C’était vrai. Ni bras, ni jambes, rien. Une paralysie. Et des yeux tout retournés. M. Gambillet me dit : « Mon pauvre Arsène ! c’est la fin. » Une méningite, qu’il a dit. Alors la mère a entendu ; vous savez ce que c’est ? On ne peut pas lui faire entendre raison. « Va-t’en chercher le curé de Lumbres », qu’elle criait… Alors j’ai attelé le cheval, et me voici.

Il regarde le saint de Lumbres d’un bon regard où luit tout de même, à travers les larmes, un peu d’ironie. D’homme à homme, on sait ce que c’est qu’une idée de femme. (Et puis