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SOUS LE SOLEIL DE SATAN

tu savais… ce que tu sauras bientôt…, tu comprendrais que j’étais justement tombée tout en bas, à ton niveau… Nous sommes au fond du même trou… Pour toi, je n’ai pas besoin de mentir… Non ! tu ne lis pas dans mon cœur ; tu crois que je me venge… Non ! mon petit. Mais je puis être aujourd’hui tout à fait, tout à fait sincère. Hé bien ! voilà le moment de parler ou jamais. Je te tiens dans l’angle du mur, mon pauvre chat, tu ne peux m’échapper, je te défie même d’élever la voix… Ainsi !

Elle parlait elle-même si bas qu’il penchait machinalement la tête, d’un geste ingénu. L’éloquence familière, ce demi-silence, le pas tranquille de Zéléda au-dessus d’eux, la voix de Timoléon fredonnant à ses casseroles le refrain d’une chanson bête, achevaient de le rassurer. Toutefois, il n’osait pas encore lever les yeux vers le regard qu’il sentait posé sur lui… Quel embêtement ! songeait-il.

Mais le signe fatal était déjà écrit au mur.

Mouchette respira fortement et reprit :

— Si je parle à présent, d’ailleurs, c’est pour toi, c’est pour ton bien… Vois : nous nous aimons depuis des semaines, et personne ne sait, personne… Mlle  Germaine par-ci… M. le député par là… hein ? Sommes-nous bien cachés ? bien clos ? M. Gallet fait l’amour avec une fille