Page:Bernanos - Sous le soleil de Satan, tome 1, 1926.djvu/93

Cette page a été validée par deux contributeurs.
101
HISTOIRE DE MOUCHETTE

qu’il avait été tout à l’heure sensible, moins aux raisons de sa maîtresse qu’à sa voix et à son accent.

— C’est enfantin, se répétait-il, enfantin. Sa présence ici peut se justifier cent fois !…

Mais à la pensée de suivre bientôt la capricieuse enfant dans son mensonge, de tenir son rôle devant l’ennemie sceptique et sournoise, sa langue collait au palais.

C’est alors que tout à coup, cherchant encore le regard de Mouchette, il ne le trouva plus. Les yeux perfides considéraient le mur au-dessus de lui, déjà mûrs d’un nouveau secret. Il eut le pressentiment, la certitude d’un malheur désormais inévitable. Son vice était là, devant lui, en pleine lumière, évident, éclatant, et il avait voulu près de lui ce témoin irrécusable ! Si la peur ne l’eût cloué sur place, il eût sans doute, à ce moment, jeté Mouchette par la fenêtre. Il eût sauté dessus, comme on piétine une mèche allumée, près de la soute aux poudres. Mais il était trop tard. L’affreuse résignation du lâche le livrait sans défense à sa familière ennemie. Et, avant qu’elle eût prononcé une parole, il l’entendit (pourtant la voix qui rompit le silence fut claire et suave) :

— Crois-tu à l’enfer, mon chat ?

— C’est bien le moment de parler de bêtises,