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HISTOIRE DE MOUCHETTE

saules, où j’allais me jeter. Derrière, entre les arbres, on aperçoit les ardoises du château. Que veux-tu que je te dise ? Ce sont des bêtises. Je sais bien…, j’étais folle.

— Sacrebleu ! s’écria le médecin de Campagne, en se précipitant vers la porte, cette fois-ci on a marché là-haut ! C’est son pas !

Et, comme elle éclatait de rire, il la menaça du regard si terriblement, qu’elle crut devoir étouffer le reste de sa gaieté dans son petit mouchoir.

Elle entendit glisser ses savates jusqu’à l’escalier ; les premières marches grincèrent, puis le silence retomba. Il était de nouveau devant elle.

— C’est Zéléda, dit-il. J’ai vu son sac de voyage dans le couloir du premier. Elle aura pris le train de 20 h. 30, pour épargner la dépense d’une nuit d’hôtel. Comment n’ai-je pas prévu ! Elle est là depuis dix minutes, vingt minutes peut-être, sait-on ?… File !

Il trépignait d’impatience, bien que dans l’excès de son humiliation il essayât de se composer une attitude. Mais Mouchette lui répondit froidement :

— C’est ton tour d’être fou ! Que crains-tu ? C’est papa qui m’envoie. Je ne puis me sauver comme une voleuse, ce serait trop bête. D’ail-