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SOUS LE SOLEIL DE SATAN

ne savait quoi — qui était dans son air, à sa portée — la parole qui allait être dite et qu’il ne fallait pas entendre — à l’aveu mystérieux que les lèvres — déjà tremblantes — ne retiendraient plus longtemps. Et son geste fut si brusque, si instinctif, que, dans l’ombre du corridor, se retournant vers la lumière, il s’étonnait d’être là, face à sa maîtresse immobile.

La peur du ridicule lui rendit cependant la voix :

— Si tu es si pressée de partir, ma fille, je ne te retiens pas. Excuse-moi seulement d’avoir tout à l’heure bouclé la serrure, ajouta-t-il par un raffinement de politesse dont il se sut gré. Je l’ai fait sans y penser, par distraction.

Elle l’écoutait les yeux baissés, sans sourire. Puis elle passa devant lui, et s’éloigna, du même pas humble, tête basse.

Cette soumission si peu attendue acheva de déconcerter le médecin de Campagne. Pareil à beaucoup d’imbéciles qui, dans un cas grave, ont toujours quelque chose à dire et s’en avisent trop tard, un simple et silencieux dénouement de leur querelle était fait pour l’écœurer. Dans le temps si court que Mlle  Malorthy mit à gagner la porte de la rue, la petite cervelle de Gallet ne put achever de mûrir la phrase décisive, habile et ferme à la fois, qui, sans compro-