Page:Bernanos - Sous le soleil de Satan, tome 1, 1926.djvu/79

Cette page a été validée par deux contributeurs.
87
HISTOIRE DE MOUCHETTE

mun. De bons observateurs vont même jusqu’à soutenir…

— Ainsi, fit-elle, tu penses avoir connu des femmes comme moi ?

Elle se tut. Puis tout à coup :

— Hé bien ! tu mens ! tu as menti !

Elle se pencha vers lui, prit ses deux mains, inclina doucement la joue… et dans la même seconde il sentit à son poignet, et jusqu’à son cœur, la morsure aiguë des dents. Mais déjà la souple petite bête roulait avec lui sur les coussins de cuir, et il ne voyait plus au-dessus de sa tête renversée que le regard immense où mûrissait sa propre joie… Avant lui, elle était debout.

— Lève-toi donc, disait-elle en riant. Lève-toi donc ! Si tu te voyais ? Tu souffles comme un chat. Tes yeux ne sont pas encore d’aplomb… Des femmes comme moi, mon vieux !… Il n’y en a pas une — pas une autre — capable de faire de toi un amant…

Elle couvait du regard ce vice épanoui. Depuis des semaines, en effet, réchauffant dans ses bras le législateur de Campagne, elle lui avait donné une autre vie. « Notre député profite », disaient les bonnes gens. Car le pauvre diable, de mine si plate, eût découragé jadis la hargne de toute autre compagne que la sienne ;