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HISTOIRE DE MOUCHETTE

qu’au fond, — où le mépris des imbéciles n’irait même pas vous chercher… Et puis, mon vieux, là encore, rien ne vous contente… quelque chose vous manque encore… Ah ! jadis… que j’avais peur ! — d’une parole… d’un regard… de rien. Tiens ! cette vieille dame Sangnier… (mais si ! tu la connais : c’est la voisine de M. Rageot) …m’a-t-elle fait du mal, un jour ! — un jour que je passais sur le pont de Planques — en écartant de moi, bien vite, sa petite nièce Laure… Hé quoi ! suis-je donc la peste, je me disais… Ah ! maintenant ! Maintenant… maintenant… maintenant, son mépris : je voudrais aller au-devant ! Quel sang ont-elles dans les veines ces femmes qu’un regard fait hésiter — oui — dont un regard empoisonnerait le plaisir, et qui se donnent l’illusion d’être d’honnêtes nitouches jusque dans les bras de leur amant… On a honte ? Bien sûr, si tu veux, on a honte ! Mais, entre nous, depuis le premier jour, est-ce qu’on cherche autre chose ? Cela qui vous attire et vous repousse… Cela qu’on redoute et qu’on fuit sans hâte — qu’on retrouve chaque fois avec la même crispation du cœur — qui devient comme l’air qu’on boit — notre élément — la honte ! C’est vrai que le plaisir doit être recherché pour lui-même… lui seul ! Qu’importe l’amant ! Qu’im-