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SOUS LE SOLEIL DE SATAN

— Je ne sais ce qui m’a pris, dit-elle ; j’ai froid…

Alors, il vit qu’elle était nue dans son léger manteau de laine.

— Hé bien ? dit-il. Dors-tu ? Quoi de neuf ?

Il restait debout, la tête penchée en avant, riant toujours de son rire aigre.

— La crise est terminée, fit-il encore… (il lui prit la main). Le pouls un peu vif, c’est l’habitude. Rien de grave. Tu ne sais pas vivre… tu vas… tu vas… Quelle pitié ! Tousses-tu ?

Il s’assit à son côté, écartant vivement le col à demi clos. L’incomparable épaule fuyante, d’une grâce animale, un instant découverte, frémit. Mais elle le repoussait sans rudesse.

— Quand tu voudras, fit-il. Avoue cependant que je ne puis me prononcer sans une exploration préalable des voies respiratoires. C’est ton point faible. D’ailleurs ton hygiène est déplorable.

Il poursuivit quelque temps encore. Alors seulement il s’aperçut qu’elle pleurait. Les yeux grands ouverts et fixes, son petit visage aussi calme, l’arc de sa bouche toujours tendu, elle pleurait, sans même un soupir.

Un moment, il resta bouche bée. Une curiosité bien au-dessus de sa nature, la recherche et l’effroi, dans un autre si près de lui-même,