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HISTOIRE DE MOUCHETTE

Mouchette ? Fi ! la boudeuse, s’écria-t-il avec un rire forcé.

Il prenait sans doute aisément son parti d’un entêtement dont il savait bien qu’il ne serait pas maître, mais plus que le désir d’une caresse, dont il était las, la pensée d’un risque à courir gonflait son cœur. « Demain viendra bien assez vite », songeait-il avec une espèce de joie. Car le repos est bon, mais plus délicieux encore un court répit.

D’ailleurs, il était à cet âge où le tête-à-tête féminin devient vite intolérable.

— Un moment, veux-tu ? dit froidement Mouchette sans lever les yeux.

Il ne voyait d’elle que son front poli, obstinément baissé. Mais la petite voix aigre retentissait drôlement dans le silence.

— Je te donne cinq minutes ! s’écria-t-il plaisamment, pour cacher son trouble, car cette froide impertinence avait déconcerté sa belle humeur. (Ainsi le chien cordial et pataud reçoit sur le nez une griffe alerte.)

— Tu ne me crois pas ? reprit-elle, après avoir longuement médité, comme si elle donnait cette conclusion à un monologue intérieur.

— Je ne te crois pas ?

— Ne cherche pas à me tromper, va ! J’ai bien réfléchi depuis huit jours, mais depuis