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SOUS LE SOLEIL DE SATAN

il lui semblait déjà moins difficile de s’apitoyer et de la plaindre. Car il est naturel à l’homme de haïr sa propre souffrance dans la souffrance d’autrui.

Il essaya de tourner vers lui la petite tête obstinée ; il pressait des deux mains la nuque blonde.

— Pourquoi pleures-tu ? Je ne pensais pas un mot de ce que je disais… Après tout, je vois ça d’ici : le papa Malorthy et son grand air de conseiller général, un jour de comice… « Répondez-moi, malheureuse !… Dites la vérité à votre père… » Il aurait fini par te battre… Il ne t’a pas battue, au moins ?

— Oh ! non, dit-elle entre deux sanglots.

— Mais lève donc le nez, Mouchette ; c’est une affaire enterrée.

— Il ne sait rien du tout, s’écria-t-elle en fermant les poings. Je n’ai rien dit !

— Par exemple ! fit-il.

Certes, il ne comprenait pas grand’chose à cette explosion de l’orgueil blessé. Mais il voyait avec plus d’étonnement encore se dresser devant lui une Germaine inconnue, les yeux mauvais, le front barré d’un pli de colère viril, et la lèvre supérieure un peu retroussée, laissant voir toutes les dents blanches.