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HISTOIRE DE MOUCHETTE

en sabots !… Malheureuse ! cria-t-il en se retournant vers sa fille, il a porté la main sur ton père !

Il n’avait pas prémédité ce dernier mensonge, qui n’était qu’un trait d’éloquence. Le trait, d’ailleurs, manqua son but. Le cœur de la petite révoltée battit plus fort, moins à la pensée de l’outrage fait à son seigneur maître, qu’à l’image entrevue du héros, dans sa magnifique colère… Sa main ! Cette terrible main !… Et d’un regard perfide, elle en cherchait la trace sur le visage paternel.

— Laisse-moi un moment, dit alors la vieille Malorthy, quitte-moi parler !…

Elle prit la tête de sa fille entre ses deux mains.

— Pauvre sotte, fit-elle, à qui veux-tu avouer la vérité, sinon à ton père et à ta mère ? Quand je me suis doutée de la chose, il était trop tard, mais depuis ! À présent, tu sais ce qu’elles valent, les promesses des hommes ? Tous des menteurs, Germaine ! La demoiselle Malorthy ?… fi donc ! Je ne la connais pas ! Et tu ne serais pas assez fière pour lui faire rentrer son mensonge dans la gorge ? Tu laisseras croire que tu t’es donnée à un gars de rien, à un valet, à un chemineau ? Allons, avoue-le ! Il t’a fait promettre de ne rien dire ?… Il ne