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SOUS LE SOLEIL DE SATAN

la main ne trembla point sur la varlope et le rabot, soucieux de contenter la clientèle et de gagner honnêtement son salaire ?

Hélas ! pour une part, cette leçon serait vaine. La paix qu’il ne connaîtra jamais, ce prêtre est nommé pour la dispenser aux autres. Il est missionné pour les seuls pécheurs. Le saint de Lumbres poursuit sa voie dans les inquiétudes et dans les larmes.

Ils étaient arrivés au croisement des chemins avant que l’abbé Donissan trouvât une parole. Il savourait cette douceur ; il l’épuisait dans le pressentiment qu’elle serait une des rares étapes de sa misérable vie. Et néanmoins il était déjà prêt à la laisser comme il l’avait reçue, à la quitter en silence.

Le carrier fit halte et, lissant sa casquette :

— Nous sommes rendus, monsieur l’abbé, dit-il. Votre route est toute droite : une lieue et demie. Êtes-vous d’attaque à présent ? Sinon, j’irai avec vous chez Sansonnet.

— C’est inutile, mon ami, répondit le vicaire de Campagne. La marche au contraire m’a fait du bien. Je m’en vais donc vous dire adieu.

Un instant, il médita de le revoir, mais il lui parut aussitôt préférable de s’en rapporter, pour une nouvelle rencontre, à la même volonté qui