Page:Bernanos - Sous le soleil de Satan, tome 1, 1926.djvu/235

Cette page a été validée par deux contributeurs.
243
LA TENTATION DU DÉSESPOIR

— Monsieur l’abbé, dit cet homme, ce n’est pas trop tôt…

— Que me voulez-vous ? balbutia l’abbé Donissan.

Il parlait le plus lentement possible et le plus posément. Mais la vision était encore dans son regard et l’homme eut un mouvement de surprise ou d’effroi qui parut incompréhensible au pauvre prêtre accablé.

— Je suis Jean-Marie Boulainville, carrier à Saint-Pré, le frère de Germaine Duflos, de Campagne. Je vous connais bien. Êtes-vous mieux ?

Il détournait les yeux d’un air d’embarras mais plein de pitié.

— Je vous ai trouvé sur le chemin, évanoui. Un brave gars de Marelles, un marchand de bidets, retour de la foire d’Étaples, vous avait trouvé avant moi. À nous deux, on vous a porté là.

— Vous l’avez vu ? cria l’abbé Donissan. Il est là !

Il s’était levé si brusquement que Jean-Marie Boulainville, heurté, chancela. Mais, interprétant à sa manière un empressement si singulier :

— Avez-vous quelque chose à lui demander ? dit cet homme simple. Voulez-vous que je le hèle ? Il n’est pas loin, sûrement.