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LA TENTATION DU DÉSESPOIR

mot de l’énigme — et il fallait qu’il le trouvât. Vingt fois il tenta de rompre le cercle, vainement. À quelque distance toute trace cessait et il dut convenir qu’il avait marché dans l’herbe du bas côté — assez drue pour que son passage n’y eût laissé aucun indice. Il remarqua aussi que dans un rayon de quelques mètres le sol était littéralement piétiné. Un découragement absurde, un désespoir presque enfantin lui fit monter les larmes aux yeux.


Nul, moins que le saint de Lumbres ne fut ce que les modernes appellent, dans leur jargon, un émotif. Peu à peu les illusions et les tromperies de cette nuit n’apparaissent à sa simplicité que comme des obstacles à vaincre. Une fois de plus il s’engage dans le chemin, descend la pente, d’abord lentement, puis plus vite, et plus vite encore, enfin tout courant. Il se croit encore maître de lui, et ce n’est déjà plus vers son but qu’il se hâte, c’est à la nuit, à sa terreur qu’il tourne le dos : son dernier effort est une fuite inconsciente. Depuis longtemps n’eût-il déjà pas dû atteindre la petite ville inaccessible ? Chaque minute de retard est donc une minute inexplicable.

De nouveau les deux talus noirs surgissent s’abaissent, se relèvent et, lorsqu’ils dispa-