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SOUS LE SOLEIL DE SATAN

d’un rival. Il était de ces bonnes gens qui savent porter la haine, mais que la haine ne porte pas.

…C’était un matin du mois de juin ; au mois de juin un matin si clair et sonore, un clair matin.

— Va voir comment nos bêtes ont passé la nuit ! avait commandé maman Malorthy (car les six belles vaches étaient au pré depuis la veille)… Toujours Germaine reverrait cette pointe de la forêt de Sauves, la colline bleue, et la grande plaine vers la mer, avec le soleil sur les dunes.

L’horizon qui déjà s’échauffe et fume, le chemin creux encore plein d’ombre, et les pâtures tout autour, aux pommiers bossus. La lumière aussi fraîche que la rosée. Toujours elle entendra les six belles vaches qui s’ébrouent et toussent dans le clair matin. Toujours elle respirera la brume à l’odeur de cannelle et de fumée, qui pique la gorge et force à chanter. Toujours elle reverra le chemin creux où l’eau des ornières s’allume au soleil levant… Et plus merveilleux encore, à la lisière du bois, entre ses deux chiens Roule-