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LA TENTATION DU DÉSESPOIR

parti d’une oraison trop longue, ou d’une mortification trop dure. »

« Notre bonhomme est maintenant tout à fait raisonnable, » affirme le curé de Larieux. Il est vrai. Sa tête reste froide et lucide. Jamais il ne fut dupe des mots. Son imagination est plutôt courte. Le cœur consume jusqu’à sa cendre.


Au crépuscule, le vent s’apaise, une brume légère monte du sol saturé. Pour la première fois depuis son départ, le vicaire de Campagne sent la fatigue. Il a d’ailleurs dépassé Verlimont et, jusqu’à l’église, à présent prochaine, le chemin est facile et sûr. Pourtant il s’arrête, et finit par s’asseoir sur la terre, au croisement des deux routes de Campreneux et de Verton. Une paysanne le vit, tête nue, ses mains croisées sur l’énorme parapluie, le chapeau posé près de lui. « Quel drôle de corps », dit-elle.

C’est ainsi que parfois il pliait sous le fardeau, et la nature vaincue criait vainement sa détresse. Car il ne se défendait point de l’entendre : il ne l’entendait plus. Il agissait en toutes choses comme si la somme de son énergie fût constante — et peut-être l’était-elle en effet. À certaines heures, et quand tout lui va manquer, le seul repos qu’il imagine est de des-