Page:Bernanos - Sous le soleil de Satan, tome 1, 1926.djvu/181

Cette page a été validée par deux contributeurs.
189
LA TENTATION DU DÉSESPOIR

semaine, trois fois le jour, retentissaient, à bout de souffle, demandaient grâce à leur tour. Il semblait impossible d’imposer aux malheureux la suprême épreuve d’un jour et d’une nuit passés au confessionnal : Votre jeune collaborateur voudra bien nous apporter le secours de son zèle, avait écrit l’archiprêtre. Et l’abbé Donissan accourait à cet innocent appel.

Il allait, sous une pluie de novembre, à grands pas, au milieu des prés déserts. À sa gauche la mer se devinait, invisible, à la limite de l’horizon pressé d’un ciel mouvant, couleur de cendre. À sa droite, les dernières collines. Devant lui, la muette étendue plate. Le vent d’ouest plaquait sa soutane aux genoux, soulevant par intervalles une poussière d’eau glacée, au goût de sel. Il avançait pourtant d’un pas régulier, sans dévier d’une ligne, son parapluie de coton roulé sous le bras. Qu’eût-il osé demander de plus ? Chaque pas le rapprochait de la vieille église, déjà reconnue, si étrangement casquée dans sa détresse solitaire. Il y devine, autour du confessionnal, le petit peuple féminin, habile à gagner la première place, querelleur, à mines dévotes, regards à double et triple détente, lèvres saintement jointes ou pincées d’un pli mauvais — puis, auprès du troupeau murmurant, si gauches et si roides !… les