Page:Bernanos - Sous le soleil de Satan, tome 1, 1926.djvu/168

Cette page a été validée par deux contributeurs.
176
SOUS LE SOLEIL DE SATAN

mains, l’abbé Donissan l’arrache des deux clous qui la fixent. Une minute plus tard, l’étrange discipline tombait en sifflant sur son dos nu.

Un mot surpris par hasard, le témoignage de quelques visiteurs familiers, de rares confidences faites en termes obscurs permettent seulement de rêver aux mortifications rares et singulières du curé de Lumbres, car il s’appliquait à les celer à tous, avec un soin minutieux. Plus d’une fois sa malice même égara la curiosité, et tel écrivain célèbre, amateur d’âmes (comme ils disent…), venu pour un si beau cas, s’en retourna mystifié. Mais, si certaines de ces mortifications, et par exemple les jeûnes dont l’effrayante rigueur passe la raison, nous sont à peu près connues, il a emporté le secret d’autres châtiments plus rudes. Sa dernière prière fut pour obtenir de la pitié d’un ami qu’aucun médecin ne le visitât. La pauvre fille qui l’assistait, devenue Mère Marie des Anges, alors servante au bourg de Bresse, a rapporté que la naissance de son cou et ses épaules étaient couvertes de cicatrices, quelques-unes formant bourrelet, de l’épaisseur du petit doigt. Déjà le docteur Levai, au cours d’une première crise, avait relevé sur ses flancs les traces profondes d’anciennes brûlures et, comme il s’en étonnait