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SOUS LE SOLEIL DE SATAN

feuillets couverts de sa grosse écriture paysanne, monte en chaire, et pendant vingt mortelles minutes, les yeux baissés, livide, commente l’évangile du jour, hésite, bredouille, s’anime à mesure, lutte désespérément jusqu’au bout, et finit par atteindre une espèce d’éloquence élémentaire, presque tragique… Il recommence à présent chaque dimanche, et, lorsqu’il se tait, il court un murmure de chaise en chaise, qu’il est seul à ne pas entendre, le profond soupir, comparable à rien, d’un auditoire tenu un moment sous la contrainte souveraine, et qui se défend…

— Cela va un peu mieux, dit au retour le doyen, mais c’est encore si vague… si confus…

— Hélas ! fait l’abbé, avec une moue d’enfant qui va pleurer.

Au déjeuner, ses mains tremblent encore.

Entre temps, d’ailleurs, l’abbé Menou-Segrais prit une résolution plus grave, ayant ouvert toutes grandes, à son vicaire, les portes du confessionnal. Le doyen d’Hauburdin fit cette année les frais d’une retraite, prêchée par deux Frères Maristes. L’un de ceux-ci, pris d’une mauvaise grippe, dut regagner Valenciennes au premier jour de la semaine sainte. À ce moment, le doyen pria son confrère de Campagne de lui prêter l’abbé Donissan.