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LA TENTATION DU DÉSESPOIR

— J’ai répondu par obéissance, et je ne devrais plus sans doute qu’attendre et me taire… mais… mais je ne puis… Dieu n’exige pas que je vous laisse croire… En conscience, c’était là une pensée… un sentiment involontaire… Je ne parle pas ainsi, reprit-il d’un ton plus ferme, pour me justifier : mon mauvais esprit vous est maintenant connu… Ainsi la Providence me découvre à vous tout entier… Et maintenant… Et maintenant…

Ses mains cherchèrent une seconde un appui, ses longs bras battant le vide. Puis ses genoux fléchirent, et il tomba tout d’une pièce, la face en avant.

— Mon petit enfant ! s’écria l’abbé Menou-Segrais, avec l’accent d’un véritable désespoir.

Il traîna maladroitement le corps inerte jusqu’au pied du divan, et d’un grand effort l’y fit basculer. Au milieu des coussins de cuir roux, la tête osseuse était maintenant d’une pâleur livide.

— Allons… allons… murmurait le vieux doyen, en s’efforçant de déboutonner la soutane de ses doigts raidis par la goutte ; mais l’étoffe usée céda la première. Par l’échancrure du col la rude toile de la chemise apparut, tachée de sang.