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LA TENTATION DU DÉSESPOIR

rappel à Tourcoing. Je voudrais vous supplier d’appuyer ma demande, sans rien cacher de ce que vous savez de moi, sans m’épargner en rien.

— Un moment… un moment…, interrompit l’abbé Menou-Segrais. Je dois solliciter, dites-vous ? Je dois… pourquoi devez-vous ?

— Le ministère paroissial, reprit l’abbé du même ton, est une charge au-dessus de mes forces. C’était l’avis de mon supérieur ; je sens bien aussi que c’est le vôtre. Ici même, je suis un obstacle au bien. Le dernier paysan du canton rougirait d’un curé tel que moi, sans expérience, sans lumières, sans véritable dignité. Quelque effort que je fasse, comment puis-je espérer suppléer jamais à ce qui me manque ?

— Laissons cela, interrompit le doyen de Campagne, laissons cela ; je vous entends. Vos scrupules sont sans doute justifiés. Je suis prêt à demander votre rappel à Monseigneur, mais l’affaire n’en est pas moins délicate. On vous demandait ici, en somme, peu de chose. C’est trop encore, dites-vous ?

L’abbé Donissan baissa la tête.

— Ne faites pas l’enfant ! s’écria le doyen. Je vais sans doute vous paraître dur ; je dois l’être. Le diocèse est trop pauvre, mon ami, pour nourrir une bouche inutile.

— Je l’avoue, balbutia le pauvre prêtre avec