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m’imaginer tirant le cordon de sonnette des gens en place, ou sollicitant la voix du cardinal Baudrillart en vue de ma candidature académique. Je me crois, grâce à Dieu, incapable de céder aux tentations de la pauvreté, mais le diable et les casuistes sont malins et le catéchisme nous enseigne qu’il vaut mieux fuir la tentation que l’attendre de pied ferme. Il est vrai que les collaborateurs de l’Action française ont déjà entretenu leurs lecteurs de la magnifique maison que je viens d’acheter à Rio de Janeiro et d’imaginaires conférences sur la vieille chanson française qui me rapportent des cent et des mille. C’est ainsi déjà que les pauvres gens m’accusaient d’être devenu millionnaire aux dépens du pauvre Coty, l’année même où, l’accident qui m’a rendu infirme m’ayant mis dans l’impossibilité de finir un livre, je partais pour Majorque avec mes six enfants, ne devant qu’aux modestes avances de mon éditeur de ne pas mourir de faim. Vendu à Coty, disaient-ils. Et en effet l’ancienne feuille royaliste devenue le Moniteur des Deux-Empires, celui de M. Mussolini et celui de M. Franco, ne croyait pas si bien dire.