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capable de traduire un sentiment sincère, le nom de chrétien évoque instantanément, aux yeux de milliers d’incroyants, l’image d’une sorte de jocrisse qui s’érige en juge de tous, sauf de lui-même et des siens, proclame vanités les grandeurs et les honneurs qu’il ne brigue pas, l’argent qui n’est pas dans son coffre et les privilèges dont il ne jouit pas encore. Je ne cesserai pas de répéter à ces hypocrites qui n’ont que le mot de prestige à la bouche que la vérité n’a pas besoin de prestige, c’est eux qui éprouvent ce besoin, cette démangeaison, ce prurit, et ils n’ont pas le droit de le satisfaire aux dépens de la vérité. C’est se moquer amèrement du pauvre monde que de parler en incorruptibles censeurs à des adversaires supposés les auteurs de tous les maux dont souffre la société moderne, et de répondre à ceux qui vous interrogent sur vos propres fautes : « Malheureux ! Si nous disions la vérité sur nous-mêmes, nous risquerions de ne pouvoir plus la dire aux autres. Nous mentons donc dans l’intérêt de la vérité même. En sorte que plus nous sommes sévères pour autrui, plus il importe que nous montrions d’indul-