Page:Bernanos - Les Grands Cimetières sous la lune.pdf/82

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aime à dire lui-même. Pour un bourgeois de cette espèce on trouverait mille braves gens dont les papas ou les grands-papas, les cousins et les cousines sont encore à la queue des vaches. Je n’écris pas ceci par raillerie. Dieu sait que je préférerais la compagnie de ces ruminants à celle du ministre à l’étincelant dentier. Mais c’est tout de même drôle, avouez-le, de rencontrer à tout instant des gaillards qui parlent de la lutte des classes avec des tortillements d’auriculaire, des soupirs et des airs navrés comme s’ils appartenaient vraiment à on ne sait quelle humanité supérieure alors qu’une hâtive adaptation fait de la plupart d’entre eux des êtres socialement heimatlos. De tels métis, appartiennent évidemment aux partis de gauche comme aux partis de droite. Mais les traits de l’espèce me paraissent plus fortement accusés chez le bien-pensant qui se croit, ou feint de se croire, ou travaille à se croire héritier d’une sorte de privilège spirituel, et parle de son paquet de Shell ou de Royal Dutch comme un Montmorency de son apanage. S’ils ne mettaient à l’épreuve que la patience des gens de la haute qui d’ailleurs s’apprêtent à épouser leurs filles dès que la Cote se montrera réellement favorable, vous pensez bien que je ne m’en soucierais guère, Dieu merci ! Et d’ailleurs les gens de la haute sont si bêtes qu’ils les ont depuis longtemps adoptés, dans l’illusion de se rapprocher ainsi du peuple, de marcher avec leur temps, précepte commun à tous les sédentaires. Peut-être jugent-