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béants qu’il a si vigoureusement malaxés jadis de ses fortes poignes. Pas un de ces sots ou de ces sottes qui, au temps d’Abd-el-Krim, n’ait tenu ce garçon pour un traître, à la solde de Moscou. Pas un ou pas une qui ne soit aujourd’hui résolu à lui confier les destinées de la Patrie, s’ils le croient assez malin pour rouler ses anciens amis.

Mais je ne ferai pas l’heureuse carrière de M. Doriot ni celle de M. Millerand, ou celle encore du Pèlerin de la Paix. Je ne méprise pas, en effet, les gens de droite, du moins de ce mépris qu’ils aiment et où il semblent se revigorer. Il y a certainement chez eux un curieux complexe, d’ailleurs très explicable lorsqu’on pense à leur excessif souci du qu’en dira-t-on, de la respectabilité — analogue à la pudeur toute physique des Anglo-Saxons, qui n’est pas pure hypocrisie mais plutôt l’effet d’une timidité héréditaire entretenue par l’éducation, la réserve verbale, la muette complicité de tous. La dignité habituelle aux bien-pensants marquerait plutôt qu’un éloignement naturel de la canaille, une secrète et anxieuse défense contre un penchant dont on n’ose pas mesurer la force. Si j’avais le temps d’écrire une Physiologie du Bien-Pensant, je crois que j’insisterais beaucoup sur ce point. On parle sans cesse de bourgeoisie. Mais il est vain d’appeler de ce nom des types sociaux très différents. M. Tardieu, par exemple, est un bourgeois — trois cents ans de bourgeoisie, comme il