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part des agents de surveillance ou de contrôle, elle se prend volontiers pour une aristocratie nationale, croit compter dans ses rangs plus de chefs. Non pas plus de chefs — plus de fonctionnaires, ce n’est pas la même chose. Lorsque j’écris qu’il n’y a plus de classes, remarquez-le, j’interprète le sentiment commun. Il n’y a plus de classes, parce que le peuple n’est pas une classe, au sens exact du mot, et les classes supérieures se sont peu à peu fondues en une seule à laquelle vous avez donné précisément ce nom de classe moyenne. Une classe dite moyenne n’est pas non plus une classe, encore moins une aristocratie. Elle ne saurait même pas fournir les premiers éléments de cette dernière. Rien n’est plus éloigné que son esprit de l’esprit aristocratique. On pourrait la définir ainsi : l’ensemble des citoyens convenablement instruits, aptes à toute besogne, interchangeables. La même définition convient d’ailleurs parfaitement à ce que vous appelez démocratie. La démocratie est l’état naturel des citoyens aptes à tout. Dès qu’ils sont en nombre, ils s’agglomèrent, et forment une démocratie. Le mécanisme du suffrage universel leur convient à merveille, parce qu’il est logique que ces citoyens interchangeables finissent par s’en remettre au vote pour décider ce qu’ils seront chacun. Ils pourraient aussi bien employer le procédé de la courte paille. Il n’y a pas de démocratie populaire, une véritable démocratie du peuple est inconcevable. L’homme du peuple, n’étant