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français. Nous comprenions très bien qu’un jeune Prince moderne traiterait plus aisément avec les chefs du prolétariat, même extrémistes, qu’avec des Sociétés anonymes et des Banques. Vous me direz que le prolétariat n’a pas de chefs mais seulement des exploiteurs et des meneurs. Le problème était justement de lui donner des chefs, assurés que nous étions par avance qu’il n’irait pas respectueusement les demander à M. Waldeck-Rousseau ou à M. Tardieu, qu’il ne les choisirait pas parmi des renégats du type de M. Hervé ou de M. Doriot. À la Santé, où nous faisions des séjours, nous partagions fraternellement nos provisions avec les terrassiers, nous chantions ensemble tour à tour : Vive Henri IV ou l’Internationale. Drumont vivait encore à ce moment-là, et il n’y a pas une ligne de ce livre qu’il ne pourrait signer de sa main, de sa noble main, si du moins je méritais cet honneur. J’ai donc le droit de rire au nez des étourdis qui m’accuseraient d’avoir changé. Ce sont eux qui ont changé. Je ne les reconnais plus. Ils peuvent d’ailleurs changer sans risques, les témoins irrécusables, sont presque tous sous la terre, et Dieu sait s’ils les font parler, les morts ! Quel bruit de volière !

Il y a une bourgeoisie de gauche et une bourgeoisie de droite. Il n’y a pas de peuple de gauche ou de peuple de droite il n’y a qu’un peuple. Tous les efforts que vous ferez pour lui imposer du dehors une classification