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Je puis parler ainsi tranquillement, sans offenser personne. Je ne dois rien aux partis de droite, et ils ne me doivent rien non plus. Il est vrai que de 1908 à 1914, j’ai appartenu aux Camelots du Roi. En ces temps révolus, M. Maurras écrivait dans son style ce que je viens d’écrire — hélas ! — dans le mien. La situation de M. Maurras à l’égard des organisations bien-pensantes de l’époque — qui ne s’appelaient pas encore nationales — était précisément celle où nous voyons aujourd’hui M. le colonel de La Rocque — on ne peut pas se le rappeler sans mélancolie. Nous n’étions pas des gens de droite. Le cercle d’études sociales que nous avions fondé portait le nom de Cercle Proudhon, affichait ce patronage scandaleux. Nous formions des vœux pour le syndicalisme naissant. Nous préférions courir les chances d’une révolution ouvrière, que compromettre la monarchie avec une classe demeurée depuis un siècle parfaitement étrangère à la tradition des aïeux, au sens profond de notre histoire et dont l’égoïsme, la sottise et la cupidité avaient réussi à établir une espèce de servage plus inhumain que celui jadis aboli par nos rois. Lorsque les deux Chambres unanimes approuvaient la répression brutale des grèves par M. Clemenceau, l’idée ne nous serait pas venue de nous allier, au nom de l’ordre, avec ce vieux radical réactionnaire contre les ouvriers