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étaient les bons ? Devait-il se ranger derrière M. Cavaignac ou M. Thiers ? « Ensemble et quand vous voudrez, disait le comte de Chambord, nous reprendrons le grand mouvement de 89. » J’ai des raisons de croire que cette parole royale a été entendue d’un jeune prince français. Si elle se réalisait un jour — plaise à Dieu ! — le sol serait-il si ferme sous vos pas ? Vous me dites : « Nous allons sauver la France ! » Bon. Très bien. Le malheur est que vous n’avez pas encore réussi à vous sauver vous-mêmes, fâcheux augure ! « On compte parmi nous beaucoup d’hommes estimables. » Oui. Les gens du peuple pourront les rencontrer au cercle, au bureau, parfois à l’Église, ou aux ventes de charité. Il n’est pas facile d’organiser ces rencontres, je me demande si elles seraient d’ailleurs utiles. La main sur le cœur, on ne tire généralement pas grand profit de vos conversations. À la première cuillerée de potage, vous convenez que tout va mal, et au dessert, sauf votre respect, vous vous engueulez comme des charretiers. Il est parfaitement exact que le peuple vous connaît mal. Qu’importe ! Cette connaissance ne saurait mettre fin à ses perplexités, si l’on songe que des Français aussi divers que, par exemple, Drumont, Lyautey ou Clemenceau ont porté le même jugement, resté jusqu’ici sans appel, sur vos partis et sur vos hommes.