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à un vieil ouvrier chapeau bas ? Parfait. Je l’admets, j’admets même que le vieil ouvrier ne croira pas qu’on se paie sa figure. C’est donc que les choses vont moins mal que je ne pensais, le prestige de l’argent s’effondre. Quel bonheur ! Car votre distinction entre le peuple front national et le peuple front populaire ne valait rien. Elle ne valait rien pour une raison très simple, à la portée du plus fanatique lecteur du Jour ou de l’Humanité, à la portée même d’un concierge opulent du quartier Monceau, affilié au C. S. A. R. par dévotion à la propriété immobilière. On ne classe pas d’après leurs opinions politiques ou sociales des gens que le jeu naturel de conditions économiques absurdes met dans l’impossibilité absolue d’en choisir une. Quoi ! Les compétences ne s’accordent entre elles que pour déclarer gravement que nous tournons dans un cercle vicieux, et ceux qui au lieu d’observer la ronde de loin tournent à toute vitesse, se décideraient posément, calmement, après avoir pesé les raisons des uns et des autres, résolu les contradictions dont vous ne venez pas à bout : « Mais ces gens-là n’ont pas besoin d’opinion politique ! » — « Évidemment. Ils ne ressentiraient pas ce besoin, je suppose, en temps de prospérité. Mais les affaires de ce monde vont mal, je ne vous le fais pas dire. Et ce monde-là n’a tout de même pas été organisé par eux, pour eux, non ? Vous déplorez que la Révolution ait été jadis manquée. À qui la faute ? Que le peuple ait suivi de mauvais bergers. Où