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génaires, éperonnés par les furies de l’impuissance, font de tels rêves. — Mais Tibère ne les a pas seulement rêvés. — J’en conviens. Je doute même qu’il les ait rêvés. Ces étranges pratiques ont dû lui être suggérées par quelque pourvoyeuse, ou encore par quelque concubine, brûlant de se venger d’abjectes et harassantes servitudes, en se payant la tête du Maître du Monde. Après tout, ce Maître du Monde ne risquait rien, pas même la correctionnelle.

J’admire les idiots cultivés, enflés de culture, dévorés par les livres comme par des poux, et qui affirment, le petit doigt en l’air, qu’il ne se passe rien de nouveau, que tout s’est vu. Qu’en savent-ils ? L’avènement du Christ a été un fait nouveau. La déchristianisation du monde en serait un autre. Il est clair que personne n’ayant jamais observé ce second phénomène, ne peut se faire une idée de ses conséquences. Je regarde avec beaucoup plus de stupeur encore les catholiques auxquels la lecture, même distraite de l’Évangile, ne semble pas inciter à réfléchir sur le caractère chaque jour plus pathétique d’une lutte qu’annonce pourtant une parole bien surprenante, qu’on n’avait jamais entendue, qui fût d’ailleurs restée, jadis, parfaitement inintelligible : « Vous ne pouvez servir Dieu et l’Argent. » Oh ! je les connais. Si, par miracle, ma réflexion chagrine l’un