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d’or au fond de la gorge, sans seulement prendre la peine de se mettre sur leur séant, devaient avoir à la fin du repas bien besoin de se décrasser… Il est vrai qu’ils habitaient des villas somptueuses. Certes, je n’ai jamais aimé l’homme romain ! Il m’a fallu néanmoins beaucoup d’années pour que commence à m’apparaître non point seulement sa grossièreté trop éclatante, mais une certaine niaiserie profonde. Je ne parle pas des prodigalités colossales, imbéciles, les murènes engraissées d’esclaves, les langues de rossignol, les perles dissoutes dans le Falerne et tant d’autres galéjades aussi bêtes, dont la vulgarité rebuterait jusqu’à la Canebière. Je pense à d’autres divertissements prétendus diaboliques, qui l’étaient peut-être, dont les pions blanchis ne s’entretiennent qu’à voix basse, mais qui ont l’air d’avoir été rêvés par des collégiens solitaires. Tous ces empereurs à grosse bedaine manifestaient beaucoup de bonne volonté dans le mal. Il leur manquait, pour être réellement pervers, une certaine qualité humaine. Ne se damne pas qui veut. Ne partage pas qui veut le pain et le vin de la perdition. — Que dire ? — Nul ne peut offenser Dieu cruellement qui ne porte en lui de quoi l’aimer et le servir. Or qu’ont affaire avec Dieu de tels salauds ? Suétone n’a peint, en somme, que des rois nègres. Que nous importe le vieux Tibère pataugeant dans sa baignoire et tendant à la bouche des nouveau-nés, le lambeau par quoi, jadis, il fut un homme ? Des milliers de débauchés septua-