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cycliste, à l’heure du vermouth, parie de piloter une si curieuse machine et il ne faut pas plus de trente ans pour que les Épargnants reçoivent sur la tête, tombant du ciel, des bombes de mille kilos. Le Monde est au risque. Le Monde sera demain à qui risquera le plus, prendra plus fermement son risque. Si j’avais le temps, je vous mettrais volontiers en garde contre une illusion chère aux dévots. Les dévots croient volontiers qu’une humanité sans Dieu comme ils disent — sombrera dans l’excès de la débauche — pour parler toujours leur langage. — Ils attendent un nouveau Bas-Empire. On peut croire qu’ils seront déçus. La part pourrissante de l’Empire, c’était cet amas de hauts fonctionnaires pillards, bêtes cyniques à fond de jobarderie, la gueule ouverte à toutes les suppurations de l’Afrique et de l’Asie, les lèvres collées à l’égout collecteur de ces deux continents. Il en est du raffinement de ces brutes comme de la plupart des traditions de collège. Depuis des siècles, les cuistres proposent à l’admiration du jeune Français des Pétrone ou des Lucullus légendaires sortant des bains de vapeur pour se faire étriller par des éphèbes.

À y bien réfléchir, si ces gens-là se lavaient tant, c’est qu’ils puaient. Le nard et les baumes ruisselaient en vain sur les plaies honteuses dont parlent Juvénal et Lucien. J’ajoute que, même sains, des malheureux assez goinfres pour s’étendre afin de mieux se remplir et qui une fois remplis, se vidaient comme des outres, leurs gros doigts bagués