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tèges en grand uniforme. Vous y voyez le Juge, en rouge et peau de lapin, le Militaire chamarré comme un Suisse de cathédrale, ce Suisse lui-même, ouvrant la route au Prélat violet, le Gendarme, le Préfet, l’Académicien qui lui ressemble, les Députés en habit noir. Vous n’y voyez pas le Riche — bien qu’il fasse les frais de la fête, et qu’il ait pourtant les moyens de mettre beaucoup de plumes à son chapeau.

M. Ch. Maurras a trouvé un jour une parole ruisselante de grandeur et de dignité humaine. « Ce qui m’étonne, ce n’est pas le désordre, c’est l’ordre. » Ce qui devrait nous remplir aussi d’étonnement, c’est que même en ce monde qui lui appartient, l’argent semble toujours avoir honte de lui-même. M. Roosevelt rappelait dernièrement qu’un quart de la fortune américaine se trouve entre les mains de soixante familles, qui d’ailleurs, par le jeu des alliances se réduisent à une vingtaine. Certains de ces hommes auxquels on ne voit même pas un galon sur la manche, disposent de huit milliards. Oh ! je sais bien… Nos jeunes réalistes de droite vont rigoler : « Les deux cents familles ! Hi ! Hi ! Hi ! » Eh bien ! oui, mon gros. J’ignore s’il existe un Pays Réel, comme les docteurs qui vous ensemencent, cherchent à le faire croire. Mais il existe, à coup sûr, une fortune réelle de la France. Cette fortune réelle devrait assurer notre crédit. Or, vous savez parfaitement qu’il n’en est rien. Cinquante milliards divisés en pièces de cent sous et qui reposent au fond