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SOUS LA LUNE

aux imbéciles. La presse italienne se donne aujourd’hui beaucoup de mal pour justifier aux yeux de ces derniers, la destruction massive par l’ypérite, du matériel abyssin. Toute cette mystique de la force décourage les imbéciles parce qu’elle leur impose une concentration d’esprit fatigante. Bref, elle prétend les forcer à se placer au point de vue de M. Mussolini. L’attitude de ce dernier en face du public de notre pays est d’ailleurs curieuse à observer. M. Mussolini est un solide ouvrier, et il aime la gloire. Sur la foi des manuels il pense aussi que le peuple français a plus qu’un autre peuple le sens de la justice, le respect de la faiblesse et du malheur. Devant ces villages où les défenseurs ont réussi à détruire toute vie, même celle des rongeurs ou des insectes, il se retourne vers les descendants de ces Messieurs du Commerce de Nantes, venus avec leurs dames, leurs demoiselles et les garçons qui préparent Centrale. Il est d’abord un peu rouge, je suppose, puis il s’anime, il parle de la grandeur qui depuis que le monde est monde pèse de tout son poids sur les épaules des misérables, de la Puissance et de l’Empire. Les braves bourgeois se regardent entre eux, très gênés. Pourquoi M. Mussolini nous a-t-il amenés là ? Ces paysages sont encore plus tristes que le cimetière Montmartre, et mon épouse est impressionnable à cause de sa tension. Ce n’est vraiment pas le moment d’aligner des phrases à propos d’une simple affaire de nègres. Nos ancêtres ont fait eux aussi, comme ce monsieur, fortune dans