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teurs qui finançaient ces lointaines et coûteuses expéditions divisaient le capital engagé en un certain nombre de parts, et ces parts, dont l’intérêt le plus souvent était énorme, constituaient pour tous les pères de famille un placement extrêmement recherché. »

Soucieux de mériter la confiance de ces pères de famille, les capitaines négriers s’acquittaient scrupuleusement de leurs devoirs comme le prouve assez le récit suivant emprunté, parmi beaucoup d’autres témoignages de même qualité, à un intéressant ouvrage dont Candide rendait compte, le 25 juillet 1935 :

Hier, à huit heures, nous amarrâmes les nègres les plus fautifs aux quatre membres, et couchés sur le ventre dessus le pont, et nous les fîmes fouetter. En outre, nous leur fîmes des scarifications sur les fesses pour mieux leur faire ressentir leurs fautes. Après leur avoir mis leurs fesses en sang par les coups de fouet et les scarifications, nous leur mîmes de la poudre à tirer, du jus de citron, de la saumure, du piment tout pillé et brassé ensemble avec une autre drogue que le chirurgien mit et nous leur en frottâmes les fesses pour empêcher que la gangrène n’y soit mise et de plus pour que cela leur eût cuit sur leurs fesses, gouvernant toujours au plus près du vent, l’amure à bâbord.

Nous trouvons ici en passant un bon exemple de la prudente discrétion de la société d’autrefois, lorsqu’elle se trouvait dans la nécessité de proposer des cas de conscience