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La colère des imbéciles remplit le monde. Dans leur colère, l’idée de rédemption les travaille, car elle fait le fond de toute espérance humaine. C’est le même instinct qui a jeté l’Europe sur l’Asie au temps des Croisades. Mais en ce temps-là l’Europe était chrétienne, les imbéciles appartenaient à la chrétienté. Or un chrétien peut être ceci ou cela, une brute, un idiot, ou un fou, il ne peut pas être tout à fait un imbécile. Je parle des chrétiens nés chrétiens, des chrétiens d’état, des chrétiens de chrétienté. Bref, des chrétiens nés en pleine terre chrétienne, et qui grandissent libres, consomment l’une après l’autre, sous le soleil ou l’averse, toutes les saisons de leur vie. Dieu me garde de les comparer à ces cornichons sans sève que les curés font pousser dans des petits pots, à l’abri des courants d’air !

Pour un chrétien de chrétienté, l’Évangile n’est pas seulement une anthologie dont on lit un morceau chaque dimanche dans son livre de messe, et à laquelle il est permis de préférer le Jardin des âmes pieuses du P. Prudent, ou les Petites Fleurs dévotes du chanoine Boudin. L’Évangile informe les lois, les mœurs, les peines et jusqu’aux plaisirs, car l’humble espoir de l’homme, ainsi que le fruit des entrailles y est béni. Vous pouvez faire là-dessus les plaisanteries que vous voudrez. Je ne sais pas grand’chose d’utile,