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porte la cause qu’ils prétendent servir ? Dieu sait, par exemple, ce que coûte au reste du monde le maigre cheptel bigot entretenu à grands frais par une littérature spéciale, répandue à des millions d’exemplaires sur toute la surface du globe, et dont on voudra bien reconnaître qu’elle est faite pour décourager les incroyants de bonne volonté. Je ne veux aucun mal aux bigots, je voudrais simplement que vous ne me rebattiez pas les oreilles de leur prétendue naïveté. Le premier prêtre venu, s’il est sincère, vous dira que nulle espèce n’est plus éloignée que la leur de l’esprit d’enfance, de sa clairvoyance surnaturelle, de sa générosité. Ce sont des combinards de la dévotion, et les gras chanoines littéraires qui entonnent à ces larves le miel butiné sur les bouquets spirituels ne sont pas non plus des ingénus.

La colère des imbéciles remplit le monde. Il est tout de même facile de comprendre que la Providence qui les fit naturellement sédentaires, avait ses raisons pour cela. Or vos trains rapides, vos automobiles, vos avions les transportent avec la rapidité de l’éclair. Chaque petite ville de France avait ses deux ou trois clans d’imbéciles dont les célèbres « Riz et Pruneaux » de Tartarin sur les Alpes nous fournissent un parfait exemple. Votre profonde erreur est de croire que la bêtise est inoffensive, qu’il est au moins des formes inoffensives de la bêtise. La bêtise n’a pas plus de force vive qu’une caronade de 36, mais